Les dragons du roi

 

Les dragons du roi




Ils nous arrosaient d’ypérite, les dragons, en appuyant simplement sur l’aérosol. On avait le tort de protester, d’être protestants, ou protestataires, selon les nuances. Il voulait gommer les aspérités, en ce temps là, le bon Louis. Uniformiser son royaume. Raccourcir les têtes trop pensantes, racornir les esprits un peu ouverts, pesant et soupesant le pour et le contre avant d’obéir à la doctrine. C’était le Vietnam avant l’heure, la colonisation intérieure. Il fallait rallumer la flamme catholique, répétaient en cœur les barons, chacun dans son baragouin.


A mesure qu’ils brûlaient nos maisons et nos livres, je sentais la haine grandir en moi. Sans parler des viols (Dieu merci, je n’en ai été ni la victime, ni le témoin direct).


Ah les dragons du roi ! M’en parle pas. Si je pouvais effacer cette période de ma mémoire… Mais elle détermine tout le reste. Je me suis soumis comme les autres, tu sais, hypocritement. Et j’ai sauvé ma petite vie. Abjuré mes idéaux. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour continuer à chouiner ! J’ai longtemps fomenté une revanche. Je me suis imaginé en martyr. Puis, sondant ma foi, je n’ai trouvé qu’une mince couche de givre, qui s’affaisse aussitôt qu’on appuie au doigt mouillé. 

 


A quoi pensaient les dragons quand ils m’ont brûlé l’œil et les bronches ? Est-ce que ça les amusait  ? Ou bien cela leur fendait-il l’âme en deux de nous balancer leur mixture méphitique ? Savaient-ils que désormais, je les maudirais ? Parfois j’en viens à les plaindre. Je ne voudrais pas être à leur place, avec ce fardeau à garder au moins jusqu’au purgatoire. Pauvres buffles !


Car moi aussi j’ai obéis à des ordres à la con. J’ai fait le mal aussi souvent qu'à mon tour. J’ai essayé d’inculquer l’obéissance à mes fils pour les adapter au moule. J’ai détruit des familles en mangeant des volailles. J’ai croqué dans des pommes encore vertes, détruit des nids juste pour rigoler, pêché à la ligne d’innocentes poiscailles. Le vers est dans le fruit. Je est un autre monstre.



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 Ce texte vaut pour participation, malgré un hors-piste assumé, pour l'Agenda ironique de février 2021.

https://frogsblog7.wordpress.com/2021/02/02/hydres-et-chimeres-agenda-ironique-de-fevrier/ 

Commentaires

  1. hors piste, mais droit au but !
    belle histoire, comme toujours un peu rude...

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