Réécritures

Réécriture sans A de Radiance de Noël-Bernard Talipo


Réverbère

cette femme et cet homme
se tiennent les dix doigts
près de l’onde sonore

jettent une pierre qui fuse vers l’ombre et frôle l’écume brune

de peintures brisées
gouttelettes
d’échos engloutis
expressément

depuis je cours perdu ondelette furtive lentement s’immole

sous l’ombre du frêne
un lieu
intermittent
qui m’ingurgite
entre en moi

que suis-je
oh rien
qu’un tilde
privé
de sens
secousse
jetée
du long
silence


Le poème original et son explication mathématique : http://www.talipo.fr/?p=15967


Dans cette série de sonnet, j'ai pris des libertés avec la prosodie classique pour faciliter la traduction lipogrammatique...


Lipogramme en A à partir d'un poème des Regrets de Du Bellay :


Vivons (Gordes), vivons, vivons, et pour le bruit

Des voisins ne nous préoccupons plus mon frère :

Vivons, puisque l’existence est si courte et chère,

Et que mêmes les Rois n’en ont que l’usufruit.


Le jour s’éteint le soir et revient de si tôt,

Les trimestres se suivent, tous ont leurs problèmes :

L’homme finit de perdre l'idée de lui-même

L’extinction des feux nous tire un dernier rot


Donc imiterons-nous le vivre d’une bête ?

Non, vers le ciel nous lèverons toujours le nez,

Goûterons quelquefois les douceurs étoilées


Celui-ci est un fou, s’il déchire ses dettes

Icelui un bon mec qui te propose un job,

Où l’on doit succinctement lui sucer le zob




Du lipogramme en E au lipogramme en A, inspiré d'un poème de Perec, lui-même "traduction" de Recueillement de Baudelaire :


Sois soumis, mon spleen, même puni reste sourd

Tu voulus l’ennui, il est fin prêt, le voici :

Une rumeur obscure s’étend sur le bourg,

Qui impose Silence, et suscite Souci.



Lorsqu’une vile troupe de crétins quelconques,

Sous le stimulus d’un fouet non désiré,

Court respirer le poison d’un souffleur de conques,

Spleen chéri, emmène-moi pour l’éternité,



Loin d’ici. Que s’ouvre une fenêtre de tir

Tout ce temps qui nous reste, ces mois de loisir

Surgir d’un horizon qui semble confiné



Fils de Zeus juché depuis ton trône moderne

Comme un jeune serf relève le bout du nez

Ouïs, l’Espoir, ouïs le Feu des lectisternes







Une traduction sans A d'un des mille milliards de poèmes de Queneau :


Sous le siège il se penche, pince le colis

Que semble reluquer un groupe de coquettes

Il se penche encore plus, inutilement

Et ne trouve qu’un pochon moisi de mogettes


On vous mute pour compter les queues de cerises

Vous répétez vos roueries envers les bouseux

Du décès on vous peint de terribles sottises

On vous mute, vous devenez un truc piteux


Sur les sentiers boueux il retrousse son froc

Le bourge peut exhiber ses gueules de toc

Lorsqu’il voit le crétin interdit demeurer


On regrette in fine les bicoques terreuses

Où l’on devine que vivent de vieilles gueuses

Les Bexley durent une seule journée




Réécriture sans A de "Vieille ferme à la Toussaint", un poème d'Emile Verhaeren :


L’hofstède l’hiver


L’hofstède de torchis, sous les chênes chenus

Voit de ses fenêtres, yeux vitreux, presque éteints

Tomber très lentement, lorsque l’ennui l’étreint

Les frênes dénudés, feuilles tombées des nues


Morose, elle se remémore les gens d’hier

Les pères et les fils qui longuement s’éreintèrent

Du pied ouvrirent le sol, les doigts pleins de terre

Ni heureux ni tristes, vécurent durs et fiers


Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,

Que ses murs solides, osseux, plein de remords

Modèrent légèrement le froid du dehors

Qu’ils protègeront tôt des senteurs du linceul


Elle devine de loin le réveil des bourgs

Des lignes droites cinglent un ciel bleu superbe

Lorsque sur son mulet un pèlerin débourre

Il se fige, l’observe, c'est un bel éphèbe


Voit-il seulement tes pignons usés, flétris ?

Tes briques qui se défont, ton lustre s’évente

Pleure ! Cense de Steenbecque, bientôt en vente

Le visiteur tourne son dos, prend un selfie, Souris !



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