Taraudé
Je troque un moment mon cyclo-pousse contre le stylo-plume. Dans la banlieue d’Hô Chi Minh Ville, je repense au poirier en fleurs qui, à cette époque de l’année, fait de l’ombre, à Rouen. Et tout d’un coup l’exil me manque affreusement. Le vin, l’hiver, les soirées internationales, au printemps les rhododendrons, et en général, la nouveauté du végétal, les musées, la texture des façades, la joie de n’y rien comprendre, de pouvoir vivre sa vie comme on l’entend. Même à l’exil, on s’habitue, il faut croire. Et ensuite, si l’on s’en retourne, on ne peut plus s’habituer. Doublement puni, cette fois sans solution de repli. Les racines flottantes, amarrées à l’habitude, je rêve d’une petit île loin de tout. Avec les miens à portée de pédale, et certainement quelques autres qui partagent la même aspiration. Au calme, à la luxure, la volupté du travail manuel. Tout en lenteur, sans moteur ni robot. Et aussi sans littérature, pour pouvoir inventer des contes sans point de comparaison....